Voilà un livre qui a croisé ma route à plusieurs reprises. Je l’ai boudé. A tort. Ce roman est un pur plaisir, une pépite qui tient ses promesses et qui justifie grandement son succès,… on parle de huit millions de lecteurs. De l’écriture poétique, de l’histoire unique et passionnante, du cadre où elle s’incruste, tout est magnifique.
Kya n’a que six ans
Kya n’a que six ans quand sa mère quitte le foyer familial. Après elle, ses frères et soeurs vont l’un après l’autre fuir ce père alcoolique qui les bat, avec qui Kya reste seule dans la cabane des marais de Caroline du Sud qu’ils habitent.
« Quand Kya se précipita dans la véranda, elle aperçut sa mère, vêtue d’une longue jupe brune dont les plis d’aisance lui caressaient les chevilles, qui descendait le chemin sablonneux sur ses hauts talons, des chaussures à bout carré en similicuir d’alligator. Celles qu’elle portait pour sortir. Kya aurait voulu crier, mais elle savait qu’il ne fallait pas réveiller Pa : elle ouvrit la porte et se posta en haut des marches en brique et en bois du perron. De là, elle vit que Ma portait sa grande valise de voyage bleue. D’ordinaire, avec la confiance d’un chiot, Kya savait que sa mère reviendrait bientôt, les bras chargés de viande emballée dans du papier marron huileux ou d’un poulet entier dont la tête se balançait au bout de son cou. Mais jamais Ma n’avait aux pieds ses chaussures en alligator, ni ne portait une valise. »
Le marais pour refuge
Flanquée d’un père irresponsable qui apparait et disparait à l’envi, Kya apprend à se débrouiller seule, imagine des moyens pour gagner de l’argent. D’abord pour manger ensuite pour mettre de l’essence dans le canot qui lui permet de circuler à travers le marais. Dans l’immense solitude qui l’étreint, le marais devient son confident, sa famille, son refuge en cas de coups durs.
« Dominant le vacarme des vagues qui rugissaient, Kya appela les oiseaux. L’océan était la basse, mouettes et goélands, les sopranos. Piaillant et criaillant, ils voltigeaient au-dessus du marais et du sable, tandis qu’elle lançait des miettes de tourte et de son petit pain sur la plage. Les pattes dépliées, se tordant le cou pour mieux voir, ils se posèrent.
Quelques rares oiseaux picoraient gentiment entre ses orteils, et elle rit de leurs chatouilles jusqu’à ce que les larmes lui coulent sur les joues, et que, enfin, des salves de sanglots montent de sa gorge serrée. Quand le berlingot fut vide, elle pensa ne jamais pouvoir surmonter sa douleur, elle avait trop peur que les mouettes et les goélands l’abandonnent comme tous les autres. Mais les oiseaux se posèrent sur la plage non loin d’elle et entreprirent de lisser les plumes de leurs ailes grises déployées. Elle s’assit en regrettant de ne pas pouvoir les rassembler pour les emmener dormir dans la véranda. Elle se les imagina blottis dans son lit, une masse duveteuse de plumes tièdes, tout contre elle sous les couverture ».
Un roman inoubliable
Pour veiller malgré tout sur elle, Jumping, « un vieux noir » aux « favoris blancs » et aux « cheveux poivre et sel », le propriétaire de la pompe à essence où elle vient remplir le réservoir du bateau de Pa, et sa femme, Mabel. A eux deux, ils aideront Kya à grandir. Un jour, Kya rencontre Tate, un ancien ami de son frère Jodie, qui va l’apprivoiser et lui apprendre à lire et à écrire. A la ville, la fille des marais, aussi sauvage que belle, attire aussi bien les légendes que les désirs…

Un roman difficile, exigeant, mais inoubliable. Il dégage une évidente puissance de vie et invite à un voyage émerveillé dans la nature.
Diplômée en zoologie et biologie, l’Américaine Delia Owens a déjà publié, avec son mari, plusieurs livres et de nombreux articles scientifiques, notamment dans la revue Nature, à partir de leurs observations des différentes espèces de mammifères au Botswana, au Kalahari puis en Zambie. De retour aux Etats-Unis, elle écrit Là où chantent les écrevisses, son premier roman.
Quand à savoir exactement où chantent les écrevisses… je vous laisse le découvrir au coin d’une page…
Fiche technique du livre
Auteur : Delia Owens
Editeur : Seuil, janvier 2020
Nb de pages : 480 pages
Genre : Roman, littérature étrangère
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