Peut-on tuer d’amour fou ?
Avant la longue pause estivale – mais je sais déjà que je ne pourrais pas m’empêcher de vous poster quelque chose de temps en temps-, voici, petit clin d’œil au cercle de Prague – ils se reconnaîtront -, une ballade lisboète. En fait de ballade, c’est plutôt une tragédie qu’offre Joseph Kessel à travers ces courtes pages, denses, magnifiquement écrites, nerveuses, comme prises sur le vif.
– Dis-moi, tu n’as jamais eu envie de faire mal à ton homme quand il t’a laissée, toi et l’enfant ? Mal à le faire mourir, à le tuer ?
– Bonté de la Vierge ! Ou prends-tu des idées pareilles. Tonio ? Cet homme n’a pas eu de torts envers moi ! On ne était pas des mariés. Il m’a donné la maison et le Yankee.
Maria se mit à rire et toute sa chair grasse remua autour d’elle. Elle avait une expression d’une immense douceur.
– Il m’a rendue souvent heureuse. Est-ce qu’on ose demander plus au ciel ? demanda Maria.
Elle ramassa les miettes du gâteau et porta la poignée à sa bouche. Puis elle but un grand verre d’eau. Elle dit encore :
– Mais il aurait été le pire des hommes que, même alors, Tonio, vouloir la mort à quelqu’un que tu as aimé, comment peut-on ? C’est l’enfer déjà sur cette terre.
Marie frissonna et se signa rapidement.
Sous la protection de la plantureuse Maria, Antoine et Kathleen sont l’un et l’autre deux naufragés de crimes et vivent l’un comme l’autre dans l’ombre de fantômes.
« En découvrant le même signe fatal dans leur passé, en mettant en commun les chiffres de leur solitude, ils avaient soudain retrouvé le sens de la vie. Ils n’étaient plus emmurés dans leur propre souffle ».
Crime passionnel pour Antoine, mari trompé, Kathleen, quant à elle, garde son secret. Entre ces deux êtres sensibles à l’extrême que tout oppose, nait un amour authentique, éperdu, constamment menacé par la jalousie d’Antoine, qui ne comprend pas le bonheur que lui offre Kathleen, et par Lewis, un curieux inspecteur de Scotland Yard, qui fait trembler la jeune femme. Pour eux, pour elle, une rédemption est-elle possible ?

En cheminant dans la ville, de la place du Commerce, au Roscio, jusque dans les faubourgs qui dominent le Tage, Joseph Kessel nous offre une très belle exploration, tout en finesse, de ces deux âmes tourmentées qui ne peuvent que fuir un destin qui les rejette aux frontières de la culpabilité et du remords.
Fiche technique du livre
Auteur : Joseph Kessel
Editeur : Pocket, 1954
Nb de pages : 160 pages
Genre : Roman
Photo de tête d’article : La Tour de Belem sur le Tage à Lisbonne, Portugal.
Bravo !!! tu l as fait, et le texte est assez énigmatique pour avoir envie de se plonger dans ce livre.
As tu retrouvé l ambiance lisboete ? Est ce que l histoire se passe dans les années 50?
Bonne lecture et à plus pour de nouvelles aventures 😉
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Oui, J’ai bien retrouvé l’ambiance. Surtout un passage sur la place du commerce où Antoine et Kathleen sont les pieds dans l’eau… mais la ville est juste ébauchée je trouve.
Non, l’action se passe dans les années 50. C’est un roman contemporain. Bon été !
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Bonjour Marie-Anne
Oui je me souviens de Lisbonne et de Prague. Deux semaines enchantées, à la fois par les lieux et par l’écriture partagée
Je souhaite que cela revienne un jour. Cette année c’est un peu compliqué.
Merci pour tes articles. Ils sont toujours très bien faits.
Je t’embrasse
Gérard
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Merci Gérard ! Bon été !
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