Expo virtuelle/Xavier Tétrel, sculpteur à la croisée des chemins

« Je suis entré dans la création par la terre ». Xavier Tétrel est potier, céramiste, designer, sculpteur. A l’origine de ses œuvres, une rencontre. La terre. Il travaille encore dans le milieu de la publicité quand il pousse la porte d’un atelier de poterie, attiré par les vases émaillés proposés en vitrine. Prenant en main de la terre pour la première fois, il fait l’expérience inattendue d’un échange, d’un dialogue qui le remplit d’émotions. Il raconte : « Je me suis dit que je voulais faire ça ».

Champignons – Xavier Tétrel

La deuxième expérience marquante intervient un peu plus tard, au Musée Guimet à Paris où il aborde l’art des émaux chinois : il découvre ses premiers céladons[1], les couleurs « qui n’en sont pas », la matière indéchiffrable, transparente, les inclinaisons de la lumière sur l’oeuvre qui touchent, « même dans les blancs ». En Extrême-Orient, la poterie est un art majeur et le sculpteur est fasciné par la déconcertante modernité d’œuvres, qui, pour certaines, ont plus de 1500 ans. Il explique : « Une pure matière qui créé un pur ressenti ». L’art de Xavier Tétrel se situe à la rencontre de ces deux expériences fondatrices.

Outre la poterie, très vite, il rejoint un atelier de sculpture à Montparnasse. C’est toujours la terre qui parle et en parallèle, il poursuit sa recherche en émail. La nature, la genèse de ses formes, dans des choses très simples, révèle une structure, une organisation parfaite qui est une de ses sources d’inspiration. « On a pas besoin de tout inventer. Je prends beaucoup de plaisir à faire ce que je vois, sans arrière pensées et, à la fin, ça raconte une histoire », explique Xavier Tétrel. Il ajoute : « Voir un oiseau, un arbre, des champignons, je ne cherche pas beaucoup plus loin, ça se suffit à soi-même ». Une seconde source d’inspiration, qui lui est liée, touche à ces moments de passage dont il faut saisir la forme, l’expression, la vie, juste avant ou juste après le chaos.

Son travail privilégie une approche directe, à la manière des voyageurs qui saisissent l’instant dans ce qu’ils découvrent. « Tu observes longtemps, tu passes du temps et rapidement tu montes un truc à partir d’un mouvement qui t’intéresse », explique le scupteur. « Dans ce geste, il se passe quelque chose qui se transmet ». Il cherche à inscrire son travail dans un « carnet de voyage ». Un véritable défi parce que la terre impose son rythme, ses contraintes. La façonner est un processus, un travail lent qui implique d’aller à son terme : la terre sèche, il faut la surveiller, à la première cuisson tout peut exploser… « La terre t’enseigne la chose qui te rend le plus humble du monde. Mécaniquement, elle ne fait jamais ce que tu en attends. Face à elle, tu ne fais pas un truc joli. Et c’est dans le combat, le coup de poing que tu lui infliges que tu laisses passer la lumière ».

Recherche – Xavier Tétrel

Le travail de la terre est un ajustement de la matière et de la forme, mais c’est parfois l’émail, ses couleurs, son travail, qui impose une forme. Le paradoxe de son « oiseau bleu » (cf. image tête d’article) tient à l’impression de légèreté, de fragilité d’une pièce pourtant en terre, dure, passée au feu d’un four à 1300°. C’est juste un oiseau, expressif et simplifié le plus possible, mais l’émail bleu, les traces noires des arrêtes se conjuguent pour lui donner un rendu sensible, saisissant. C’est beau, tout simplement.

Une fois terminé, le pot, la sculpture, le vase, révèle la concordance entre le geste dont la sculpture garde les « traces primales », l’élément en création et la nature.

Vase d’après une nouvelle de Marguerite Yourcenar Comment Wang Fô fut sauvé extraite des Nouvelles Orientales – Xavier Tétrel

Inspirée de la première des Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar, l’urne funéraire est un voyage à travers un texte. L’artiste est entré en conversation avec la terre et s’est laissé toucher par l’histoire de cet empereur tout puissant, enfermé dans son palais, qui découvre le monde à travers les tableaux d’un peintre de talent. La seule issue est la mort. Xavier Tétrel explique : « J’ai fait un vase chinois : le palais de l’empereur gardé par ses soldats et un serpent géant. J’ai découvert a postériori qu’on mettait les cendres dans des poteries funéraires qui ont exactement la forme de ce que j’ai réalisé sans le savoir ». Ici, la poterie et la sculpture font alliance, pour notre plus grand plaisir. Chaque fois, les expériences se mêlent, les frontières s’effacent, du figuratif à l’abstrait, de la céramique et de l’émail, pour laisser émerger une intuition nouvelle.

Faîtage – Xavier Tétrel

Trouver la justesse, de l’œuvre, une ambition qu’il explore aussi à travers ses études, plus abstraites, de faitage : « Grimper, s’élever, empiler sur quelque chose dont on ne peut pas faire table rase. On monte… avec des bases fragiles. En équilibre ».

Aujourd’hui, Xavier Tétrel ne veut « pas trouver son mode d’expression », il veut ne pas se fixer encore. Intuition, émotion, pensée, nous, on apprécie le talent de ses oiseaux magnifiques ou de ses champignons insensés, et on a hâte de suivre son évolution.


[1] Le céladon désigne à la fois un coloris et un type de céramique propre à la Chine (en chinois : littéralement « porcelaine verte ») et à l’Extrême-Orient.

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