Au cœur de l’hiver, rien de tel qu’un bon polar à lire au coin d’un feu de cheminée. Plus précisément, je vous propose un rompol[1], ce genre littéraire inventé par Fred Vargas « soi-même »… « Objet essentiellement poétique, il n’est pas noir mais nocturne, c’est-à-dire qu’il plonge le lecteur dans le monde onirique de ces nuits d’enfance où l’on joue à se faire peur, mais de façon ô combien grave et sérieuse, car le pouvoir donné à l’imaginaire libéré est total », explique Jeanne Guyon pour Le Magazine Littéraire.
Dans Un peu plus loin sur la droite, l’heure est au crime. Quoi de plus normal… L’ex-flic Louis Kehlweiler, en disgrâce avec le ministère de l’intérieur, privé de moyens, boiteux, flanqué d’un crapaud, Bufo, en guise d’animal de compagnie, découvre un petit rien du tout, une « bricole » sur la grille d’un arbre place de la Contrescarpe : un os dans… une crotte de chien. De quoi perdre le sommeil…
Intrigue aux petits oignons, rebondissements, humour, fantaisies, mais aussi beaucoup d’humanité et de tendresse tissées au fil des pages, avec une mention spéciale aux dialogues. Savoureux.
« Louis sortit une bouteille d’eau de son sac et mouilla la main de Lanquetot. ‘C’est pour Bufo, expliqua-t-il, on ne peut pas le tenir à main sèche. Au bout d’un moment, il en a mare, il a trop chaud, cela ne lui vaut rien. Voilà. Attrapez Bufo entre le pouce et l’index, assez fermement, parce qu’il ne vous connaît pas. Pas trop fort, hein ? J’y tiens moi à ce type. C’est le seul gars qui me laisse causer sans m’interrompre et qui me demande jamais de comptes’ ».
C’est foisonnant, intelligent, bourré d’imagination et on se prend à rire des facéties têtues de ce personnage, de ses questions à fleur de peau, de ses échanges de vieux briscard à une jeunesse empêtrée. Le tout est agrémenté d’un suspens qui, s’il ne terrorise pas loin s’en faut, réjouit.
« Mathias s’était immobilisé dans le noir. Marc ne fit pas d’objection. Il n’entendait rien dans le vent, ne voyait rien, ne sentait rien, mais il en connaissait assez sur Mathias pour savoir qu’il s’était mis aux aguets. (…) Il estimait que le chasseur-cueilleur, l’oreille collé au sable du désert, pouvait entendre passer le Paris-Strasbourg, encore qu’on ne sache pas très bien à quoi ça pourrait servir.
Mathias lâcha le cadre du vélo.
– Cours, dit-il à Marc. Marc vit Mathias s’élancer devant lui dans la nuit sans qu’il ait compris après quoi il fallait courir. Les capacités animales de Mathias – primitives, disait Lucien – le déconcertaient et lui cassait ses discours. Il posa son vélo à terre et courut derrière ce foutu préhistorien qui filait silencieusement et plus vite que lui, sans se préoccuper du bord tout proche de la falaise (…) ».

Ce n’est sans doute pas le meilleur de Fred Vargas, et ce n’est pas non plus son dernier, mais on passe vraiment un très bon moment, très détendant, en compagnie de ce policier déchu mais craint, qu’accompagne Marc le médiéviste, et Mathias le chasseur-cueilleur… « Les personnages qui peuplent ses livres, explique Jeanne Guyon, sont aussi anarchistes et lunaires que savants. Qu’ils soient férus d’Antiquité ou océanographes, le regard qu’ils posent sur le monde combat le conformisme et l’ordre établi avec pour arme la fantaisie et l’humour ». Et franchement, on aime.
Fiche technique du livre
Auteur : Fred Vargas
Editeur : J’ai lu, 2005
Nb de pages : 256 pages
Genre : Rompol
[1] Rompol : Roman Policier.
Sympa, ca donne envie d’avoir un bon feu de bois !
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