Certains livres vous mettent en état d’urgence. Il a parfois fallu un peu de temps pour s’apprivoiser l’un l’autre, mais d’un coup, et sans plus trop vraiment savoir quand et pas vraiment non plus pourquoi, on a plongé, impossible de décrocher. Le temps s’est suspendu, pas assez tout de même et on a commencé à rogner sur nos nuits, on a pesté contre le quotidien qui obligeait à s’extraire de cet ailleurs qui faisait nos délices. On a couru sans relâche au long des pages avec la constance d’un marathonien, on s’est délecté et puis, à force, on est arrivé à la dernière page, ébloui, repu, fasciné, apaisé, des étoiles dans les yeux. Dans ce sentiment jubilatoire, on a déjà notre petite idée : ce roman est un chef-d’œuvre.
C’est vrai, il arrive que la même conclusion s’impose pour un livre qui se révèle être un véritable tord boyaux, un condensé de noirceur… D’une certaine façon, son ambiance nous traque et nous enveloppe de la même façon, comme une brume qui peine à se dissiper alors qu’on essaye malgré tout, et parfois à regret, de reprendre le cours de la vie. De ce voyage intérieur, il reste l’empreinte des mots, des paysages, des personnages qui font désormais partie de nous. Nos souvenirs au dessus de ceux de l’auteur…
Le livre d’après brule les mains, on n’a presque pas envie de l’ouvrir (…).
Et c’est là que les choses se corsent… parce que ce livre n’est pas censé être le dernier ! Pourtant, on se sent gauche, hésitant. À vrai dire, on n’ose plus ouvrir le livre d’après. Trop peur d’être déçu. Comment le roman d’après pourrait-il être aussi bon que ce celui qui traîne encore sur la table basse du salon parce qu’on a pas encore eu le courage de le remettre sur l’étagère ? D’ailleurs, on hésite entre plusieurs, on va même, parfois, jusqu’à prendre conseil… Le livre d’après brule les mains, on n’a presque pas envie de l’ouvrir. Pour les plus courageux d’ailleurs, un temps de sevrage s’impose, comme une traversée du désert, un incertain moment d’errance, comme un pont vers une autre rencontre. Je ne sais pas, comment vous faites, vous ?
De mon côté, je le reconnais, j’ai beaucoup de chance, je tombe souvent sur des chefs d’œuvre. Mais jamais, à mon grand regret, deux fois à la suite…
Photo tête d’article : Mystic Art Design de Pixabay
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