Ce livre est un moment de pure beauté. Je l’ai découvert par hasard et j’ai tremblé devant ma page comme le sculpteur de ce roman devant l’œuvre à achever. Peut-être faudrait-il d’abord se taire tant ce texte est une contemplation intérieure faite de sacré et de mystère.
L’histoire, racontée à la première personne dans un quasi monologue, est parfaitement originale, rocambolesque même : un Christ en marbre, nu, sculpté juste dans l’après première guerre mondiale, dont les attributs, « la nature », ont été mal recouverts d’un pagne et à qui l’Eglise souhaite rendre son originalité première. Un sculpteur taciturne au cœur généreux, passeur de frontière, qu’une célébrité inattendue force à l’exil. Entre les deux, une rencontre.
« Le crucifié ne doit pas être admiré de loin, il faut le toucher. Il s’agit d’une œuvre qui se révèle seulement sous la caresse ».
Pour entrer au fur et à mesure des pages dans le lent dévoilement du Christ, il ne s’agit pas seulement de le dévêtir, mais de se laisser traverser. Au fur et à mesure que le sculpteur entre dans l’intimité de son œuvre, le face à face s’approfondit. Le travail des mains passe alors par une identification profonde, « le sculpteur a prêté son corps au crucifié ». Elle ira jusqu’à la trahison.
Énormément de pudeur, de retenue dans le dialogue qui s’instaure, où sont conviés un prêtre, un rabbin, un ouvrier musulman. Il est aussi question de symboles, de fraternité, mais surtout de vie, d’amour et de don, d’absolu.
Comment ne pas être bouleversé par la richesse incroyable des mots enfermés dans 165 pages ? C’est un texte puissant, rude parce qu’habité par une impulsion vitale, servie par la précision des traits, l’authenticité, mené dans une langue ciselée et simple. Un livre à lire et à relire pour réapprendre à dessiner nos traits humains.
Fiche technique du livre
Auteur : Erri De Luca
Editeur : Gallimard, 2016
Nb de pages : 165 pages
Genre : Roman
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