Expo/La collection Emil Bührle, l’impressionnisme à fleur de peau

Exceptionnelle, la collection Emil Bührle, présentée au Musée Maillol jusqu’au 21 juillet, l’est par la concentration des chefs d’œuvre de l’impressionniste et du post-impressionnisme qui la compose.

L’histoire de cette collection commence en 1913… Emil Bührle est alors étudiant en histoire de l’art. Il se rend à Berlin où il découvre, à la Galerie nationale, un ensemble de tableaux impressionnistes : « L’atmosphère propre à ces tableaux et surtout celle du paysage si évocateur de Vétheuil par Claude Monet, m’impressionna vivement », écrira-t-il en juin 1954. « C’est exactement à cette heure-là, devant les œuvres de ces peintres français, que le caillou tomba dans l’eau, et c’est à partir de cet instant que ma décision était prise que, si jamais je pouvais songer à garnir mes murs de tableaux de maîtres, ce serait un choix de Manet, de Monet, de Renoir, de Degas et de Cézanne ». Emil Bührle est d’origine modeste et pour l’heure, ce rêve n’est qu’un vœu pieu.

Au même moment à Berlin, deux tableaux majeurs de sa future collection changent de main. « Le garçon au gilet rouge » de Cezanne acquiert à cette occasion une réputation de premier plan. Emil Bührle en fera l’acquisition en 1948. Les toiles d’un autre peintre font parler d’elles, ce sont celles de Vincent Van Gogh, et notamment ses « branches de marronniers en fleurs ». Un tableau qui rejoindra plus tard, la collection Bührle.

Comment ne pas évoquer les « Chapeaux d’été », de Renoir ? Ou encore cette « Liseuse » de Corot, toute de délicatesse…

La guerre de 14/18 cueille l’étudiant qui sera mobilisé de septembre 1914 à l’armistice. Au retour, détourné de sa trajectoire, il se résout à abandonner l’histoire de l’art pour se lancer dans l’industrie, se marrie et s’installe en Suisse. Dès 1920 cependant, il conseille à son beau-père l’achat de deux tableaux. Mais, « ce n’est qu’en 1936 que survint la première vague circulaire dans l’eau où était tombée la pierre ; je pus acheter, d’entente avec ma femme, toujours pleine d’enthousiasme, le premier dessin de Degas et une nature morte de Renoir. Ce premier cercle comprenant des œuvres de Corot, de Van Gogh et de Cézanne, se compléta rapidement et forma le centre de ma collection. Peu à peu s’ajouta un remous qui englobait les Fauves et les Romantiques, dont Delacroix et Daumier… ».

L’ensemble de tableaux exposés est remarquable à plus d’un égard. Tout d’abord, compte tenu de la grande cohérence entre les œuvres acquises. Ensuite, parce qu’Emil Bührle fera peu d’erreurs : seuls un autoportrait de Rembrandt, un autre de Van Gogh se révèleront être des faux. On ne peut qu’être admiratif devant la clairvoyance manifeste de ses choix tant d’artistes que de toiles. S’il tâtonne au début, le collectionneur sait s’entourer de quelques rares marchands auxquels il fait confiance et obtient « cette capacité de savoir ce qui vaut ou non la peine », explique Lukas Gloor, historien de l’art et spécialiste de la peinture européenne au XXe siècle. « Il n’achetait que s’il avait lui même vu l’original du tableau ».

Emil Bührle au milieu de quelques unes des ses toiles

A titre personnel, j’ai apprécié la découverte des toiles de Van Gogh auxquelles, à travers une branche de ma famille, originaire d’Auvers-sur-Oise, je suis plus spécialement attachée. J’ai aimé le visage extraordinaire d’expressivité de la « Tête de paysanne ». Une facette de l’artiste que j’ignorais. Je garde en mémoire la touche riche de son pinceau sur « Le semeur ».

J’ai aussi découvert avec joie les tableaux de Cézanne, ce précurseur du post-impressionnisme. Bien sûr à travers « Le garçon au gilet rouge », mais aussi celle du « jardinier », celui du peintre lui-même. Il est représenté simplement assis, silhouette esquissée dans la douceur des ocres et des pastels, une partie du visage semble être inachevée…

C’est aussi une ballade dans le temps de l’art que la visite propose autour de la cinquantaine de toiles exposées.

Comment ne pas évoquer les « Chapeaux d’été », de Renoir ? Ou encore cette « Liseuse » de Corot, toute de délicatesse, Emil Bührle ayant su élargir sa collection. A ce sujet, il raconte : « Daumier me ramena à Rembrandt, et Manet à Frans Hals. Arrivé aux peintres du XVIIe siècle, les Hollandais et les Flamands ne pouvaient manquer. Un troisième cercle contint les peintres français de la fin du XVIIIe siècle et les modernes. La parenté esthétique des impressionnistes avec les Vénitiens du XVIIIe me suggéra les noms de Canaletto, de Guardi et de Tiepolo ». Ce faisant, le collectionneur inscrit les nouveaux génies de la peinture française dans l’histoire qui les a précédés. A l’image de ces deux œuvres présentées en vis-à-vis, l’une de Fantin-Latour, l’autre de Cézanne, qui, à des siècles d’intervalle, se répondent autour d’un bouquet de fleurs. Dans celle aussi qui lui succèdera : la visite se termine sur des œuvres telles que l’ « Italienne » de Picasso ou « Le violoniste », de cet immense peintre qu’était Georges Braque. C’est aussi une ballade dans le temps de l’art que la visite propose autour de la cinquantaine de toiles exposées.

Il faut sans doute évoquer la polémique autour de certaines œuvres spoliées acquises pendant la guerre. A cette époque, Emil Bührle n’a accès qu’au marché de l’art suisse, la justice estimera qu’il ne pouvait savoir d’où provenaient les toiles. Il en restituera 13, en rachètera 9, parmi lesquelles « les danseuses » de Degas. La majeure partie de sa collection, il l’acquiert après la seconde guerre mondiale, à un rythme effréné, celui d’une centaine de toile par an ! A sa mort, il ne laisse aucune consigne sur le devenir de ce qu’il a rassemblé avec tant de soin.

Pour l’heure, ne boudons pas notre plaisir, il y a dans cette exposition de quoi se rassasier et les yeux et le cœur…

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