Il y a plusieurs siècles déjà que la Sainte Vierge, enchâssée dans la façade de l’Eglise, veille avec une affectueuse attention sur les allées et venues du petit peuple de la place. Au milieu de tout ceux qui s’agitent tout en bas, il y en a un qui lui est particulièrement cher, c’est Pablo. Déjà tout petit, il envoyait à la Bonne Mère les baisers de son cœur en soufflant dans le creux de sa main. A 10 ans, le gamin dessinait à vélo des arabesques et caracolait sur sa roue arrière en hommage à la douce Mère, faisant le fier, il grandissait en sagesse. A 15 ans, l’adolescent passait sur son scooter pétaradant, s’arrêtant et déposant casque bas devant la Belle Dame avant de repartir dans un indomptable bruit de pot d’échappement. Mais à 20 ans, le jeune homme avait acheté une voiture. Au début, il passait bien la main par la fenêtre du conducteur pour saluer la Reine des Cieux, mais bientôt, une jeune femme avait pris place à ses côtés et il avait fini par délaisser ces rendez-vous fugaces. Il s’était marié, il avait eu des enfants et toute la famille avait déménagé bien loin de la cathédrale. Le temps avait passé.
Mais la vie n’est pas tendre et l’entreprise pourtant florissante de Pablo avait subit des revers. Un mauvais cours avait achevé de liquider l’affaire et l’homme fier s’était vu malmené. Sa femme l’accablait de reproches, ses enfants le méprisaient et découragé, il s’était mis à errer. Par un jour sans couleur, fait d’ombres lasses, ses pas l’avaient entrainé et il se tenait là, la tête baissée, accablé de pensées contradictoires, au pied de la cathédrale sous la grande façade. La Sainte Vierge l’avait aperçu de loin et elle l’avait attendu. Elle avait vite compris et son cœur de mère, tout bouleversé en elle, n’avait pu se contenir. Déjà elle enjambait la frise. La descente était abrupte mais en chemin, les apôtres lui tendirent la main, les martyrs l’abritèrent de leur palme, les vierges libérèrent son voile qui s’était accroché sur quelque gargouille. Quand elle arriva au tympan, elle échangea un sourire complice avec son Fils qui trônait en Gloire. Il n’eut que le temps de la bénir, elle descendait déjà le long du pilier escortée de l’archange Gabriel, bienveillant associé des extravagances de la sainte Vierge…
Elle descendait déjà le long du pilier escortée de l’archange Gabriel, bienveillant associé des extravagances de la sainte Vierge…

Quand son pied effleura le sol, elle se mit à courir en direction de Pablo. Elle le prit dans ses bras, le pressa contre elle, l’embrassa, le berça comme si elle eut voulu éteindre sa douleur. Pablo ne bougeait pas, mais dans son cœur quelque chose comme un poids trop lourd avait lâché. La Vierge Marie remonta prestement dans sa niche. Alors seulement Pablo soupira. Il mit sa main dans sa poche pour chercher à tâtons une clé qu’il ne trouvait pas, puis ses doigts glissèrent. Avec étonnement, il sortit un chapelet de sa poche. Alors seulement, il osa lever les yeux vers la Belle Dame. En la regardant, il puisait la force d’affronter sa vie. Il porta la petite croix à ses lèvres et l’embrassa. Entrant dans l’église il murmurait : « Réjouis-toi Marie, pleine de grâces… »

Très beau texte Marie-Anne, bravo.
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Merci ! Les temps sont plus que propices à un hommage à Notre Dame…
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Marie-Anne, vos histoires me font venir près du puits d’eau fraiche et de récits poétiques que vous voulez bien partager avec le visiteur du soir que je suis, avec d’autres sans doute. L’enfant est là, familier comme cet enfant que j’ai croisé l’autre jour à Bligny, sur le ventre de sa mère qui marchait comme une déesse , seule, tranquille.
Je sortais d’une chambre où se trouvait un ami qui veut absolument en finir avec sa vie.
J’ai arrêté ma voiture l’espace d’un instant et je leur ai souri après avoir abaissé la vitre.
Quand Marie est descendue de Notre-Dame, dans votre conte, elle n’était pas seule sans doute.
Elle a souvent un enfant dans les bras.
Jean-Louis
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